Le personnage d’Ismaël Boulliau témoigne de l’ébullition qui règne autour de l’astronomie au carrefour des XVIe et XVIIe siècles.


Ismaël BoulliauLe clerc loudunais

Né à Loudun, le 28 septembre 1605, il porte le même prénom que son père, procureur au bailliage. Sa mère, Suzanne Motet, est issue d’une vieille famille de la région. Ismaël Boulliau père est déjà féru d’astronomie : il observe notamment la comète de 1607 qui sera identifiée et baptisée cent cinquante ans plus tard comète de Halley.
Esprit vif, le jeune Ismaël fait des études classiques à Loudun avant de rejoindre la capitale, en 1620, afin d’approfondir la philosophie et la théologie. Il poursuit également des études de droit à Poitiers. Né dans une famille protestante, il abjure le calvinisme alors qu’il n’a que 21 ans. Est-ce pour se faciliter l’accès à la culture ? L’historien loudunais Dumoustier de Lafond (1745-1815) avance l’hypothèse d’une déconvenue amoureuse : ses parents se seraient opposés au mariage qu’il voulait contracter. Il se convertit alors au catholicisme et entre dans les ordres. Ordonné prêtre quatre ans plus tard, il serait devenu l’un des vicaires d’Urbain Grandier de 1630 à 1632 pour la paroisse de Saint-Pierre-du-Marché. Malgré le scandale et la fin sordide du prêtre, Ismaël Boulliau continuera à lui porter une grande estime. En témoigne la conclusion d’une lettre adressée à l’astronome Pierre Gassendi (1592-1655) à la date du 7 septembre 1634 : « Voilà l’histoire succincte de la mort de cet homme qui avait de grandes vertus mais accompagnées de grands vices, humains néanmoins et naturels à l’homme ». Urbain Grandier avait été brûlé trois semaines auparavant, le 18 août 1634, près de la Collégiale Sainte-Croix de Loudun.

Paris et l’astronomie

Lorsqu’il rejoint Paris en 1632, Ismaël Boulliau se lie notamment avec Pierre Gassend dit Gassendi (1592-1655) et Marin Mersenne (1588-1648), eux-mêmes philosophes, mathématiciens et astronomes célèbres. Lors d’un voyage en Pologne en 1660, il rencontre également Johannes Hevelius (1611-1687).
Ismaël Boulliau s’est intéressé à de nombreux domaines scientifiques mais son œuvre majeure tourne autour de l’astronomie : on sait notamment qu’il observe en 1623 l’occultation de l’Épi de la Vierge par la Lune à Loudun.
Il adhère aux théories de Philolaos de Crotone (470 av. J.-C.-385 av. J.-C.), mathématicien et astronome, le premier à considérer que la Terre n’est pas immobile au centre de l’univers mais qu’elle tourne autour de ce qu’il appelle « le grand feu », demeure des dieux. Cette idée, reprise et défendue par Nicolas Copernic (1473-1543), devait amener à la célèbre révolution copernicienne de la conception du monde.
Les idées coperniciennes sont mises à l’Index en 1616 et les ouvrages s’y référant interdits. Bien que d’accord avec le système héliocentrique de Philolaos de Crotone, Ismaël Boulliau réfute la trajectoire circulaire que ce dernier, comme Copernic, donnait aux planètes dans leur révolution autour du Soleil, au profit des ellipses décrites par Johannes Kepler (1571-1630).
Il prend dès lors parti pour Galilée (Galileo Galigei 1564-1642), ce qui lui vaut d’éviter Rome lors d’un voyage en Italie en 1645. Cependant, le grand tort d’Ismaël Boulliau sera de réfuter les trois lois fondamentales de Kepler, pourtant vérifiées un siècle plus tard par Isaac Newton avec sa découverte de la gravitation universelle.

La géante rouge et la naine blanche : Mira Ceti

En 1667, Ismaël Boulliau est élu membre étranger à la Royal Society de Londres, récemment fondée. Il édite également Ad Astronomos Monita Duo dans lequel il traite de la variation de la luminosité de certains astres et notamment celle de l’étoile binaire Mira, dans la constellation de la Baleine. Elle est composée de deux éléments :
- Mira (ou Mira A), géante rouge ;
- VZ Ceti (ou Mira B), naine blanche.
Leur spécificité est d’avoir un centre de gravité commun. Mira en tant que géante rouge est une étoile dite variable : sa luminosité varie. Ce type d’étoile avait été observé pour la première fois avec la supernova de 1572 par Tycho Brahe (1546-1601), astronome danois, et Mira identifiée en 1596 par David Fabricius (1564-1617). Elle est située à environ 400 années-lumière et son diamètre avoisine 700 fois celui du Soleil : si elle prenait l’emplacement de ce dernier sa surface irait jusqu’au deux tiers de l’orbite de Jupiter ! Étoile la plus froide de ce type, elle est tout de même, lors de son maximum, 15 000 fois plus brillante que le Soleil. Mira est cependant en fin de vie et son cœur se transformera en naine blanche lorsque son enveloppe externe sera soufflée.
David Fabricius prend Mira pour une supernova, à savoir une étoile qui vient d’exploser, et s’en désintéresse rapidement. Ismaël Boulliau reprend les études anciennes de Mira tout en s’appuyant sur le travail de son ami Hevelius et calcule en moins d’un an sa période qui est de 333 jours (le temps qu’il lui faut pour revenir à son point de départ) : c’est une première pour une étoile variable. Il explique que la variabilité de la luminosité de cet astre vient du fait que l’étoile en tournant sur elle-même montre des parties plus ou moins sombres d’elle-même. On sait aujourd’hui que c’est la magnitude de ce type d’étoile qui fait varier leur luminosité.
Ismaël Boulliau décède le 25 novembre 1694 à Paris dans l’abbaye de Saint-Victor, aujourd’hui remplacée par le campus de Jussieu. Rongé par les rhumatismes, et bien que logé sur les bords de Seine, il continuera jusqu’au crépuscule de sa vie à observer les étoiles : en témoigne l’inventaire d’un petit cabinet d’astronomie situé à proximité immédiate de sa chambre au sein de l’abbaye.

Un cratère d’impact sur la face visible de la Lune porte son nom depuis 1935 : Bullialdus.

Bibliographie
Gérard Jubert. Ismaël Boulliau, sa vie, son œuvre. Bulletin de la Société Historique du Loudunois, 31 mai 2000, p. 10-28.
Pascal Baron. Ismaël Boulliau, observateur des étoiles. L’actualité Poitou-Charentes, n°77, juillet 2007, p.102-103.